France : Ode à l’alpinisme-escalade en Oisans
Dans le vaste éventail de mes passions, les montagnes de l'Oisans occupent une place privilégiée, témoins silencieux de mon histoire et de mes rêves depuis l'enfance. Entre la frénésie de la Haute-Savoie à Manigod et la quiétude de notre résidence au Puy du Frêney d'Oisans, je cultive un lien intime avec ce massif montagneux.
L'été 2022 a dévoilé une nouvelle aventure avec éclat : l'ascension du Pic Gény en traversée, une initiative aussi brillante qu'inspirée, loin de mes angoisses de la fonte du permafrost et des menaces sournoises des éboulements rocheux, fléaux insidieux de notre métier et plus globalement de notre ère marquée par le réchauffement climatique et les étés caniculaires.
Partis de la Bérarde pour rejoindre notre campement au pied de l'arête Est du fameux Pic, sous un ciel clair doucement baigné par les lueurs crépusculaires, nous avons goûté à la quiétude de ce lieu de bivouac, notre esprit imprégné de la promesse d'une aventure imminente. La nuit, étoilée et apaisante, présageait une ascension empreinte de sérénité. Conscients des contraintes liées au transport de notre matériel pendant l'ascension, nous avons opté pour l'allégement maximal, sacrifiant le superflu au profit de l'agilité et de la fluidité dans notre progression. Dans cette balance entre sécurité et confort nocturne, chaque décision portait son poids, en pleine conscience de l'importance de la rapidité dans ce genre de course où la légèreté est gage de sécurité.
Avec l'aube, timide, éclairant à peine les plus hautes cimes, nous nous sommes éveillés, encore marqués par le confort sommaire de la corde, notre oreiller improvisé… Il nous fallait rapidement nous mettre en marche, déjeuner et conquérir les sentiers escarpés de la moraine pour atteindre l'entrée de la voie. L'arête s'érigeait devant nous, une invitation à l'escalade à laquelle nous répondions avec enthousiasme, mêlé d'une pointe d'appréhension. Les premiers rayons du soleil nous caressaient à peine quelques centaines de mètres plus haut, éveillant en nous une excitation palpable et effaçant définitivement les marques d'un sommeil fugace. Adieu la dalle imposante du départ, froide au toucher, nous étions finalement prêts et motivés par la perspective de cette chevauchée sur l'arête. Corde tendue, nous avancions désormais avec assurance, conscients que la difficulté ne résidait pas tant dans les passages d'escalade que dans la finesse de mes choix d'itinéraire et de technique d'assurage. Chaque geste était pesé, chaque décision calculée, dans une quête incessante de fluidité et d'efficacité. Car je savais que dans ce genre d'itinéraire, la moindre erreur pouvait compromettre notre progression, transformant cette aventure en une épreuve laborieuse et décourageante pour mes clients.
Lancés dans cette longue traversée en altitude, où les sommets du Rouget et du Plaret se dressent comme des sentinelles, nous contemplions, en contrebas, les glaciers du Plaret et d'Aréna. Leurs formes tourmentées, striées de crevasses béantes, semblaient murmurer les derniers récits de leurs siècles d'existence, dévoilant la roche sous-jacente... Par moments, la glace craquait, s'effondrait, et des pierres dévalaient la pente, témoins sonores et tumultueux du passage des saisons estivales. Malgré ce spectacle sauvage et austère, nous trouvions réconfort et sécurité sur l'arête, gardant nos regards tournés vers le sommet, résolus à ne pas laisser les profondeurs altérer notre détermination. Dans cette atmosphère vertigineuse, nous choisissions de nous imprégner de l'essence même de l'alpinisme, privilégiant l'envol vers les sommets.
Durant cette ascension, j'ai été emporté par une escalade exaltante, laissant une empreinte indélébile dans ma mémoire, aussi profonde que dans la roche elle-même. Des instants de pure connexion avec la nature environnante. J'apprécie particulièrement ces moments où l'on relève la tête, où l'on contemple tout autour de soi, où l'on cherche la ligne menant vers le sommet... L'escalade devient alors intéressante et gracieuse, chaque prise, chaque mouvement devient un accord, une fusion parfaite entre l'homme et la roche. La corde devient ma complice, mes compagnons de cordée des ombres bienveillantes qui m'assurent et me rassurent dans cette lumière matinale qui enveloppe le paysage. Et dans cet instant, je me sens vivant, connecté à la terre et au ciel, apprenant à chaque instant de cette nature qui se dévoile sous mes doigts, révélant les secrets millénaires de la géologie du massif.
Nous sommes parvenus rapidement au sommet, offrant ainsi l'opportunité d'apprécier pleinement le panorama, de nous restaurer et de nous préparer sereinement pour la descente, car une course ne se termine pas au sommet ! La descente du côté Soreiller s'avère délicate, sans difficultés majeures. Le terrain, typique de l'Oisans, nécessite une navigation précise, guidée par une série de désescalades habiles pour éviter les rappels sur corde. Un cheminement complexe à travers les vires nous a déposés au cœur du Cirque du Soreiller, puis rapidement par une traversée au pied de l'Aiguille Dibona, où nous avons savouré une bière réconfortante suivie d'un dessert succulent au refuge. L'idée de prolonger le lendemain par l'ascension de la Dibona nous a brièvement effleuré l'esprit... mais il n'y avait plus de place au refuge.
Tout au long de la descente dans la vallée, je me suis régulièrement retourné pour contempler cette flèche de granite emblématique du Vallon, une véritable invitation au voyage et à l'escalade, empreinte de majesté.
Félicitations à Marianne et Franck pour cette belle aventure d'escalade alpine en parfaite harmonie avec la nature. Cette expérience sur les montagnes de l'Oisans a été très enrichissante. Une fois de plus, elles ont su répondre à nos attentes, nous faire savourer pleinement l'instant présent, loin du tumulte de la vie quotidienne. Cette journée d'escalade en montagne nous a offert bien plus que de simples souvenirs. Elle nous a offert des leçons de vie inestimables, des moments de pure joie et d'accomplissement, et surtout, elle nous a offert une profonde gratitude envers les merveilles de notre planète.